Chronique sur les grands personnages de l’histoire : les Tudors
Nous voici plongés au cœur d'une histoire royale tumultueuse, au sein de laquelle chaque portrait est une fenêtre ouverte sur un destin singulier. Les timbres-poste présentés dans cette chronique nous invitent à voyager dans l’Angleterre des Tudors et à découvrir les visages de personnages qui ont façonné l’histoire anglaise.
Le 21 janvier 1997, la Royal Mail britannique émit une série spéciale de timbres-poste commémorant Henri VIII et ses six épouses.
Cette émission de timbres-poste fait partie d'une série de commémorations culturelles et historiques importantes, célébrant des figures emblématiques de l'histoire britannique.
Ce projet culturel a permis de susciter un nouvel engouement du public pour la monarchie britannique et son riche passé.
Un royaume, six épouses : une histoire de pouvoir et de passions
Henri VIII est un monarque connu non seulement pour son règne long et turbulent, mais aussi en raison de ses six mariages successifs. Ses épouses – Catherine d'Aragon, Anne Boleyn, Jane Seymour, Anne de Clèves, Catherine Howard et Catherine Parr – furent au centre des drames politiques et personnels qui marquèrent sa vie. Souvent motivées par des raisons politiques ou personnelles, ces unions eurent un impact considérable sur la Renaissance anglaise.
Les portraits royaux sur les timbres-poste britanniques
Le portrait de cour est un genre artistique qui a joué un rôle crucial dans l'histoire de l'art et de la politique. Ces portraits servaient à immortaliser les traits physiques des personnes représentées et à communiquer leur pouvoir, leur richesse et leur statut social.
En intégrant ce type d’images sur des timbres-poste, la Royal Mail a rendu hommage à l'histoire nationale et aux traditions royales anglaises, tout en rendant ces éléments accessibles au grand public.
Les illustrations figurant sur les timbres-poste de cette chronique proviennent pour la plupart d’entre elles de portraits réalisés à la cour d’Henri VIII. Ces chefs-d’œuvre ont été réalisés par des maîtres de la peinture de cour de la Renaissance.
Holbein au service d'Henri VIII : portraits d'une dynastie
Hans Holbein le Jeune (1497-1543) fut l'un des peintres les plus célèbres de l’Europe du Nord. Il est né à Augsbourg, en Allemagne, dans une famille d'artistes. En 1526, il se rendit en Angleterre sur l’invitation de Thomas More, un membre influent de la politique anglaise.
Son style détaillé et réaliste sut saisir à la fois les apparences physiques de ses sujets, ainsi que leur grandeur et leur dignité. Henri VIII l'engagea comme peintre officiel de la cour en 1536.
Holbein le Jeune immortalisa le roi, ses épouses et les membres de la cour à travers des portraits faisant l'objet d'une précision et d'un réalisme saisissants. Il excelle particulièrement dans la reproduction des textures des tissus et des bijoux, rendant chaque détail avec une précision remarquable.
Chaque timbre-poste de cette chronique est introduit accompagné d'une description détaillée du portrait de cour qu’il contient. Un résumé présente ensuite les principaux événements ayant marqué la vie de la personne royale représentée.
Un tableau de la puissance royale : le portrait d’Henri VIII
Portrait d’Henri VIII d’Angleterre
Réalisé par Hans Holbein le Jeune en 1540
Huile sur panneau de bois, 88,5 cm x 74,5 cm
Conservé à la Galerie nationale d’Arts à Rome
Henri VIII est représenté de manière frontale, adoptant une posture imposante et confiante. Son visage est sévère et déterminé, avec une barbe bien taillée et une expression résolue.
Le roi porte un pourpoint richement brodé et décoré de motifs complexes, avec des manches bouffantes ornées de bijoux et de broderies en or. Sa robe extérieure, probablement faite de velours, est bordée de fourrure, soulignant son statut et sa richesse.
Un collier en or massif repose sur sa poitrine, renforçant l'image de sa puissance et de son opulence. Il tient un gant dans sa main gauche, un symbole de chevalerie et de noblesse.
Faits marquants sur Henri VIII (1491-1547)
- Son règne marque une période de grandes transformations en Angleterre.
- Il est célèbre pour ses nombreux mariages, la plupart d’entre eux ayant eu une fin dramatique.
- Ses actions ont été motivées par le désir d'avoir un fils pour assurer sa succession.
- Il a fondé l'Église anglicane et fut excommunié par le pape.
- Son règne a profondément transformé l'Angleterre et laissé une marque indélébile sur l'histoire.
Le roi et ses femmes : une histoire de passions et de tragédies
Henri accéda au trône d’Angleterre en 1509 à l’âge de 18 ans. Les débuts de son règne furent marqués par une période de grand optimisme et de renouveau pour l'Angleterre. Il avait reçu une éducation soignée, axée sur les humanités, la théologie et les arts martiaux. Doté d'un charisme exceptionnel, Henri incarnait l'image idéale du prince de la Renaissance.
Dans ses relations avec ses épouses, Henri se montrait initialement charmant et dévoué, mais ses attentes élevées et son obsession pour avoir un héritier masculin l’ont conduit à des actions tragiques et à des ruptures dramatiques.
Au fil de ses épousailles, Henri en vint à voir le mariage non plus simplement comme une union sacrée, mais plutôt comme un contrat conditionnel à la production d'un héritier mâle.
Le roi vieillissant
La vieillesse du roi fut marquée par une détérioration de son physique et une intensification de son autoritarisme. Souffrant de problèmes de santé chroniques, notamment d’un ulcère à la jambe et d’une obésité extrême, Henri devint de plus en plus irascible et imprévisible.
Les dernières années de son règne furent assombries par sa paranoïa croissante et son besoin de contrôler son héritage.
Élégance et sobriété : le portrait de Catherine d’Aragon
Portrait posthume de Catherine d’Aragon
Réalisé au début du XVIIIe siècle par un artiste inconnu
Huile sur panneau de bois, 55,9 cm x 44,5 cm
Conservé au National portrait Gallery à Londres
Catherine est représentée de manière frontale, avec une posture digne et gracieuse. Son expression est sérieuse et contemplative, avec un regard direct et calme, reflétant sa dignité et sa résilience face aux défis de sa vie.
Elle porte une robe de velours noir, ornée de bordures en or et de broderies élaborées. Son décolleté carré est orné de perles et de pierres précieuses, soulignant son statut royal. Elle arbore un collier orné d'une croix en or avec des gemmes précieuses, ajoutant à son apparence majestueuse.
Elle porte également une coiffe complexe, typique de l'époque, avec des panneaux latéraux rigides et un voile noir qui tombe derrière ses épaules. Cette coiffe encadre son visage et ajoute une dimension formelle et élégante à son apparence.
Faits marquants Catherine d’Aragon (1485-1536)
- Catherine d'Aragon fut reine d'Angleterre pendant plus de vingt ans.
- Elle se maria deux fois : d'abord avec Arthur Tudor puis avec son frère Henri VIII.
- Son mariage avec Henri VIII fut annulé pour permettre au roi d'épouser Anne Boleyn.
- Catherine refusa toujours de reconnaître l’annulation de son mariage.
- Elle est restée fidèle à l'Église catholique.
- Catherine d'Aragon est décédée dans la solitude en 1536.
Du mariage royal à la rupture avec Rome
Catherine d'Aragon est née le 16 décembre 1485 à Alcalá de Henares en Espagne. Elle était la plus jeune fille des souverains catholiques Ferdinand II d'Aragon et Isabelle Ière de Castille.
Dès son jeune âge, Catherine fut promise en mariage à Arthur Tudor, prince de Galles, pour renforcer l'alliance entre l'Espagne et l'Angleterre.
À l'âge de 15 ans, Catherine arriva en Angleterre et épousa l’héritier du trône le 14 novembre 1501.
Ce mariage fut de courte durée : Arthur décéda le 2 avril 1502, laissant Catherine veuve à 16 ans. Malgré la mort d'Arthur, le mariage de Catherine avec l'Angleterre n'était pas révolu. En 1509, après des négociations complexes, Catherine épousa le frère cadet d'Arthur, le jeune roi Henri VIII.
Cette union fut centrale dans l'histoire de l’Angleterre, en raison de l'annulation de ce mariage qui survint 31 ans plus tard et des conséquences politiques qui s’ensuivirent.
Le mariage de Catherine et Henri VIII fut marqué par des tentatives infructueuses pour produire un héritier au trône. Bien que Catherine donnât naissance à plusieurs enfants, seule une fille survécut, la princesse Marie.
L'absence d'un héritier mâle devint une obsession pour Henri, qui commença à envisager l’annulation de son mariage avec Catherine. En 1527, Henri demanda au pape l'annulation son mariage, ce qui lui fut refusé.
Henri VIII cherchait à annuler son mariage avec Catherine en se basant principalement sur des arguments religieux et dynastiques. Il affirma que son mariage était invalide aux yeux de Dieu, car Catherine avait été précédemment mariée à son frère aîné Arthur.
Selon Henri, cet état des choses constituait un acte contre la loi divine, citant le verset biblique du Lévitique 20:21 : « Si un homme prend la femme de son frère, c’est une impureté ; il a découvert la nudité de son frère : ils seront sans enfants[1].»
Devant une assemblée de juges, Catherine déclara avec dignité qu'elle avait été une épouse irréprochable, fidèle et dévouée à Henri VIII, respectant toujours ses devoirs conjugaux et la morale chrétienne :
Je vous en supplie, pour tout l’amour qui a existé entre nous et pour l'amour de Dieu, acordez-moi justice et droit. Je prends Dieu et le monde entier à témoin que j'ai été pour vous une épouse vraie, humble et obéissante, toujours conforme à votre volonté et à votre plaisir, qui n'a jamais dit ni fait rien de contraire à cela […] je n'ai jamais eu de rancune en paroles ou en apparence ni montré le moindre mécontentement à votre égard […][2].
Henri VIII veut annuler son premier mariage
Henri en vint alors à prendre des mesures radicales : il se déclara lui-même chef suprême de l'Église d'Angleterre, entamant ainsi la Réforme anglaise.
Le 28 mai 1533, Henri VIII épousa Anne Boleyn, qui était une suivante de la reine. Cinq jours auparavant, le mariage d’Henri et de Catherine avait été déclaré nul et non avenu par Thomas Cranmer, archevêque de Cantorbéry.
Cela signifiait que le mariage de la princesse espagnole avec l’Angleterre avait pris fin 31 ans auparavant, à la mort d’Arthur Tudor.
Les dernières années de Catherine
Catherine fut reléguée au rang de princesse douairière de Galles, en référence à son mariage avec Arthur Tudor. Elle passa les dernières années de sa vie dans la solitude à Kimbolton Castle et séparée de sa fille Marie. Elle demeura fidèle à son rôle de reine jusqu'à sa mort le 7 janvier 1536, clôturant ainsi un chapitre douloureux de l'histoire anglaise.
Anne Boleyn : le portrait d'une reine déterminée
Portrait posthume d’Anne Boleyn
Réalisé par un artiste inconnu entre 1584 et 1603
Huile sur panneau de bois, 54,3 cm x 41,6 cm
Conservé au National Portrait Gallery à Londres
L'artiste anonyme a réussi à saisir une image d’Anne qui est à la fois gracieuse et imposante. Bien que les yeux d’Anne paraissent cernés, son visage montre une expression sereine mais déterminée, reflétant les défis politiques et personnels qu'elle a dû affronter.
Anne Boleyn est représentée vêtue d'une robe noire ornée de motifs dorés le long du décolleté et des manches. La coiffe Tudor avec un voile à l’arrière est un élément distinctif des portraits d’Anne. Elle est ornée de perles et d’une bordure dorée qui donne une touche de raffinement à son port de tête.
Anne porte à son cou une chaîne en or et deux colliers de perles, dont un ras-du-cou avec un pendentif en forme de « B », en référence à son nom de famille. Ce collier unique est un autre élément distinctif des portraits d’Anne Boleyn.
Faits marquants Anne Boleyn (vers 1501-1536)
- Anne Boleyn fut la deuxième épouse du roi Henri VIII.
- Son mariage avec Henri VIII entraîna la rupture de l’Angleterre avec l'Église catholique de Rome.
- Elle fut reine d'Angleterre pendant trois ans.
- Anne donna naissance à une fille, Élisabeth Ière, qui devint reine d'Angleterre à l'âge de 25 ans.
- Elle fut accusée d'adultère et de trahison et fut exécutée le 19 mai 1536.
De dame d'honneur à reine d'Angleterre
Anne Boleyn est née dans une famille noble. Son père, Thomas Boleyn, était un diplomate et courtisan influent, et sa mère, Elizabeth Howard, appartenait à l'une des familles les plus anciennes de la noblesse anglaise. Anne passa une partie de son enfance en France dans l’entourage de la reine Claude, où elle reçut une éducation raffinée à la cour des Valois.
De retour en Angleterre vers l’âge de 21 ans, elle devint dame d'honneur de la reine Catherine d'Aragon. Elle attira rapidement l'attention de nombreux courtisans, y compris celle du roi. À cette époque, le mariage de Henri et de Catherine était en difficulté. Le roi tomba éperdument amoureux d'Anne, lui écrivant des lettres enflammées.
La correspondance entre Henri VIII et Anne Boleyn est un témoignage fascinant de leur relation tumultueuse et passionnée. Les lettres échangées entre eux, de 1526 à 1532, révèlent l'intensité des sentiments du roi pour Anne et la détermination de celle-ci à ne pas se contenter d'une simple position de maîtresse.
Tantôt romantiques, tantôt explicites, les écrits d’Henri montrent son caractère complexe, oscillant entre tendresse et brutalité :
Considérez bien, ma maîtresse, combien votre absence me peine. J’espère que vous ne désirez pas qu’il en soit ainsi, mais si j’étais certain que cela fût votre désir, il ne me resterait qu’à pleurer mon malheur et, peu à peu, chercher à me guérir de ma passion insensée[3].
Un an plus tard, il écrit encore :
S’il vous plaît de remplir les devoirs d’une maîtresse loyale et de vous donner à moi corps et âme…, je vous promets de ne pas seulement vous donner le nom de maîtresse, … mais de chasser de mes pensées et de mes affections toutes les autres femmes et de ne servir que vous… […] [4].
Anne refusa de devenir la maîtresse du roi, insistant sur la nécessité du mariage. Elle plaçait ainsi le roi devant un choix qui allait bouleverser le royaume.
Comme vu précédemment, Henri VIII rompit avec l'Église catholique romaine. Il se proclama chef suprême de l'Église d'Angleterre, soumettant ainsi l'Église anglaise à son autorité. Cette décision lui valut l'excommunication papale et engendra un schisme religieux en Angleterre.
Henri et Anne, qui s’étaient mariés secrètement en janvier 1533 –car Anne était enceinte– se marièrent officiellement le 28 mai. Anne fut enfin couronnée reine consort en juin de la même année.
En septembre 1533, Anne donna naissance à une fille, la future reine Élisabeth Ière. Bien qu'Henri espérât un fils, il considéra cette naissance comme un signe favorable.
Cependant, les années suivantes furent marquées par des fausses couches et des échecs à produire un héritier mâle, ce qui affaiblit grandement la position d'Anne à la cour.
Le prix de l'ambition : la chute d'Anne
En janvier 1536, le moral d’Anne était au plus bas à cause de sa dernière fausse couche. Le roi avait déjà jeté ses yeux sur une autre femme qui lui plaisait, Jane Seymour. L’histoire bégayait : Jane Seymour était une suivante de la reine Anne Boleyn. Henri voyait en la douce Jane une femme docile et incarnant tous les critères de la femme parfaite selon lui.
Ainsi, après avoir remué ciel et terre pour pouvoir épouser Anne Boleyn, Henri allait maintenant chercher un moyen de se défaire d’elle, comme s’il avait été aveuglé par un amour passager.
Les agents du roi se mirent au travail : le 2 mai 1536, Anne fut arrêtée et accusée d'adultère, d'inceste et de haute trahison. Voici les principaux éléments qui figurèrent dans le procès-verbal :
La reine a trompé son mari avec Norris un mois après la naissance d’Élisabeth […]. Elle l’a trompé avec William Brereton le 16 novembre, encore avec Norris le 20 novembre, encore avec Brereton le 8 décembre. Plus tard, Smeaton et Weston ont obtenu ses faveurs qu’elle a de nouveau accordées aux deux autres. Enfin, comble de l’horreur, elle a été la maîtresse de Rocheford, son propre frère, et ce, pendant les fêtes de Noël 1535.[5]
Bien que les preuves de ces chefs d’accusation aient été largement considérées comme fabriquées, Anne fut jugée coupable. Elle fut exécutée par décapitation le 19 mai 1536 à la Tour de Londres.
Anne Boleyn enfermée à la Tour de Londres
R. Simard
Références
[1] COTTRET, Bernard, Henri VIII. Le pouvoir par la force, Paris, 1999, Éditions Payot, p. 127.
[2] GUY, John et Julia FOX, Hunting the Falcon Henry VIII, Anne Boleyn, and the Marriage That Shook Europe, 2023, HarperCollinsPublisher, p. 183.
[3] ERLANGER, Philippe, Henri VIII un « dieu » anglais aux six épouses, 2016, Perrin, p. 123.
[4] ERLANGER, Philippe, Henri VIII…, p. 124.
[5] ERLANGER, Philippe, Henri VIII.., p. 203.
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