* Spécial philatélique sur Dracula (2/4)
Chronique sur l'histoire de la Roumanie
Dans un monde d'alliances changeantes et de guerres constantes, Vlad l'Empaleur s'est imposé comme un dirigeant redoutable. Son règne a été marqué à la fois par de grands triomphes et des échecs tragiques, alors qu'il manœuvrait dans un environnement politique difficile. Cette chronique explore les actions de Vlad l'Empaleur qui ont façonné le cours de l'histoire et qui ont suscité un héritage controversé.
Le 23 avril 1997, la Roumanie a émis un bloc philatélique pour célébrer le centenaire de la légende liée à Vlad III, qui a été popularisée en 1898 par la parution du roman Dracula. Cette émission s'inscrit dans le cadre des célébrations de la série EUROPA, qui, en 1997, était centrée sur le thème « Histoires et légendes » (Povesti și legende en roumain). Cette série philatélique met en lumière des éléments historiques et légendaires se rapportant à la figure de Vlad l'Empaleur et à la légende de Dracula.
En associant Vlad l'Empaleur avec la légende de Dracula, cette émission philatélique joue sur la dualité de l'image historique et mythologique du personnage, ce qui permet à la Roumanie de mettre en valeur son héritage à la fois historique et culturel. La représentation de Vlad l'Empaleur avec des symboles liés à son époque, souligne l'importance de cette figure dans l'histoire du pays.
Le bloc met aussi en avant des éléments touristiques associés à la Roumanie, comme le château de Dracula (le château de Bran), qui attire de nombreux visiteurs intéressés par l'histoire et la mythologie de ce personnage. La diffusion de ces images sur des timbres contribue à l'image de la Roumanie en tant que destination touristique liée à ces légendes.
L'émission met en lumière le croisement entre histoire et culture populaire, un thème particulièrement pertinent à la fin des années 1990, lorsque l'intérêt pour le mythe de Dracula était à son sommet, à la fois dans la littérature, le cinéma et d'autres formes de médias.
L'artiste qui a créé les illustrations est Petru Comisarschi. Son style est caractérisé par une utilisation colorée et expressive, avec une forte dimension symbolique et narrative. La valeur faciale des timbres-poste est de 400 et 4200 lei.
Ce timbre-poste présente Vlad l'Empaleur portant une couronne ornée de pierres précieuses. Son visage est caractérisé par une barbe et une moustache, avec une expression sérieuse et intense.
L'illustration a été réalisée dans un style réaliste, comportant une grande ressemblance avec les portraits peints de Vlad III. À côté de son nom figurent les dates de ses deuxièmes et troisièmes règnes sur la Valachie : 1448-1462 ; 1476.
L'illustration du second timbre-poste de ce bloc philatélique sera traité plus loin dans cet article.
La Valachie : entre l'Empire Ottoman et l'Europe chrétienne
Après avoir été déposé par les nobles Valaques, Vlad III fut contraint de s'exiler de la Valachie. Il trouva d'abord refuge à Andrinople, où il séjourna pendant deux mois. En tant que réfugié politique, il fut reçu en Moldavie où il resta jusqu'en octobre 1451.
Pendant cette période, il noua une amitié avec Étienne, le jeune prétendant au trône Moldave. Vlad III essaya par la suite de s’installer en Transylvanie, mais Jean Hunyadi, voïévode de Transylvanie – et assassin de son père – le traqua et tenta de l’éliminer.
Pendant ce temps, le sultan Mourad II mourut et son successeur, Mehmet II, monta sur le trône impérial. Le nouveau sultan nourrissait une ambition secrète : s'emparer de Constantinople, en déloger les chrétiens et faire de la capitale byzantine le cœur de son empire. La chute de la Ville Éternelle allait constituer la porte d’entrée des armées turques dans l’Europe chrétienne.
Le sultan Mehmet II
Miniature turque du XVe siècle
Cette image est issue du domaine public
Vlad III : un atout inattendu contre les envahisseurs Turcs
Grâce à un réseau d'informateurs, Jean Hunyadi fut mis au courant des projets de Mehmet II. Il chercha à établir des alliances afin de constituer une force capable de résister aux ambitions du jeune sultan.
C’est dans ce contexte qu’il envisagea de faire de Vlad III un atout stratégique : Vlad avait grandi aux côtés de Mehmet II et le connaissait personnellement ; il maîtrisait très bien la langue turque à l’oral et possédait une bonne connaissance du fonctionnement de l’armée ottomane. Cette expérience et cette proximité avec le monde turc faisaient de Vlad III un allié précieux pour Hunyadi.
De son côté, Vlad allait bénéficier du soutien militaire et politique du puissant royaume hongrois. Cette collaboration allait permettre aux deux hommes de renforcer leurs positions respectives en retardant l'avancée de l'Empire ottoman en Europe centrale.
L'entrevue entre Vlad III et Jean Hunyadi marqua un tournant dans leurs relations diplomatiques: elle permit de forger une alliance fragile, mais nécessaire pour faire face à la menace ottomane. Les termes exacts de cette entrevue restent flous, mais ses conséquences ont été déterminantes pour l'avenir de la région.
Bien que le pape Nicolas V ait appelé à une croisade pour défendre Constantinople, le soutien militaire de l'Occident chrétien demeura faible. Les appels à la croisade ne mobilisèrent pas les ressources nécessaires pour constituer une grande armée capable d'affronter les forces ottomanes.
Jean Hunyadi et Vlad III concluent une alliance pour contrer l'avancée des Turcs dans l'Europe chrétienne
Le dernier souffle de la Ville Éternelle
Après des mois de préparatifs minutieux, les troupes de Mehmet II encerclèrent Constantinople en avril 1453 et débutèrent un siège qui dura plusieurs semaines. Ce fut le début d'une lutte acharnée qui allait sceller le destin de la ville et de l'Empire byzantin.
Les divisions internes et les luttes de pouvoir avaient affaibli considérablement la défense de Constantinople, qui fut incapable de faire face à l’armée ottomane bien préparée et déterminée. La ville était sous-peuplée et manquait cruellement de soldats et de provisions. Cette situation reflétait l'affaiblissement général de l'Empire byzantin.
Constantinople était protégée par des murs épais et des tours puissantes, héritées de l'époque romaine. Les canons ottomans bombardèrent les murs multiséculaires pendant plusieurs semaines, causant des dégâts considérables. Malgré les difficultés, les Byzantins résistaient avec acharnement, espérant l'arrivée de renforts occidentaux qui ne vinrent jamais.
Le 29 mai 1453, les Turcs lancèrent un assaut général sur les murs, parvenant à pénétrer dans la ville. Les combats se poursuivirent dans les rues de la Ville Éternelle. Les Byzantins furent rapidement submergés. Constantin XI Paléologue, le dernier empereur byzantin, mourut en défendant sa ville. La prise de Constantinople marqua la fin de l'Empire romain d'Orient, qui avait perduré pendant près de mille ans.
Assaut final des Turcs dans la ville de Constantinople
Une onde de choc traversa l'Europe chrétienne : les États prirent conscience de l'imminence de la menace turque qui allait bouleverser l'équilibre des pouvoirs. Ce désastre révéla l'échec de la chrétienté à défendre ses propres valeurs.
Le siège de Belgrade : la bravoure de Vlad III
Les ambitions de Mehmed II se tournèrent ensuite vers la prise du royaume de Hongrie, en commençant par le siège de Belgrade. À cette époque, la capitale de la Serbie actuelle appartenait au Royaume de Hongrie.
Belgrade contrôlait le Danube, une voie de navigation de première importance pour l’Europe centrale. La prise de cette ville allait permettre à l'Empire ottoman de sécuriser son contrôle sur la région et d'ouvrir la voie vers le cœur de l'Europe.
En juin 1456, Mehmet II envoya une armée de 90 000 hommes pour écraser les 16 000 défenseurs chrétiens de Belgrade. Confiant en sa victoire, le sultan estimait cette conquête déjà acquise. Dans un contexte de tensions croissantes, Jean Hunyadi fit appel à son beau-frère, Michel Szilagyi, pour diriger la défense de Belgrade. Il confia à Vlad III la défense de l'aile ouest de la fortification.
Le siège de Belgrade débuta le 10 juillet 1456. Malgré le courage de Szilagyi et de Vlad, les troupes régulières furent vite dépassées et la situation devint de plus en plus désespérée. C'est alors que, dans un sursaut d'orgueil et de désespoir, le peuple se leva...
Sous l'impulsion d'un moine dominicain, paysans, mendiants et même enfants vinrent grossir les rangs des défenseurs, transformant le siège en une lutte populaire. La bataille se poursuivit avec une violence inouïe : déterminés à prendre la ville, les Ottomans lançaient des vagues incessantes d'attaques, mais les défenseurs résistaient avec une ardeur acharnée en repoussant chaque assaut.
Vlad III se distingua dans cet événement par sa bravoure et sa férocité impressionnante. Il menait ses hommes sur le front avec un courage hors du commun. Il combattait avec une telle intensité que ses ennemis en furent terrifiés. Sa réputation de guerrier impitoyable se renforçait au fur et à mesure des heures de combat.
Vlad III livra une lutte acharnée contre les Turcs lors du siège de Belgrade en juillet 1456
Malgré leur supériorité numérique, les troupes de l'Empire ottomanes furent repoussées par les défenseurs de la ville. Mehmet II fut submergé par la rage et l’humiliation : il avait perdu pas moins de 24 000 soldats. Il exécuta lui-même sur place plusieurs de ses officiers et jura de ne jamais oublier cet affront.
La mort de Jean Hunyadi et l'avenir de la Valachie
La défaite de Mehmet II fut un échec retentissant qui marqua un tournant dans la campagne ottomane en Europe. Elle représentait non seulement un revers militaire, mais aussi un coup d'arrêt – du moins, temporaire – à l'expansion turque en Europe centrale.
L’adage dit : « Après la pluie, le beau temps ». Il n’en fut rien. La peste s’invita et se répandit rapidement dans la région. Cette épidémie dévasta les habitants et les soldats déjà affaiblis par les combats et les privations liées au siège. Une de ces victimes fut Jean Hunyadi, voïévode de Transylvanie.
À peine Hunyadi avait-il rendu son dernier souffle que la situation politique de la Valachie allait prendre un nouveau tournant : alors que Vlad III se dirigeait vers la Transylvanie, il dévia sa route et prit le chemin de Bucarest.
Il se redit chez le voïévode valaque, Vladislav II. Le 20 août 1456, au cours d'un terrible duel, Vlad III élimina son rival et s'empara du trône de Valachie. Il réalisait ainsi son ascension fulgurante sur le trône de Valachie, après douze années d'exil.
Vlad élimina en duel le voïévode valaque Vladislav II
Le second règne de Vlad III sur la Valachie (1456-1462)
Le retour de Vlad III en Valachie marqua un tournant décisif dans les affaires du pays : il instaura une politique de fer pour établir son autorité sur la Valachie.
Une nouvelle alliance avec le royaume de Hongrie lui fournit les ressources nécessaires pour affermir rapidement son emprise sur la Valachie. En échange du soutien de Mathias Corvin, fils de Jean Hunyadi et roi de Hongrie à partir de 1458, Vlad III s'engageait à continuer à combattre les Turcs.
Cette alliance eut pour effet d’augmenter les tensions entre Vlad III et l'Empire ottoman : la Valachie devint un point névralgique entre les deux puissances, jetant ainsi les bases d'un conflit durable qui allait marquer l'histoire de la région pendant des siècles.
Vlad l'Empaleur : un règne de fer et de sang
Pour mener à bien la gouvernance de la Valachie, Vlad III adopta des méthodes dont l’objectif était de rétablir l'ordre dans son pays.
Conduite des affaires internes
Il se concentra d’abord sur une réforme de l'administration et de la justice. Il chercha à établir une administration centralisée et efficace qui permettrait d’éloigner les nobles du pouvoir, souvent agents de corruption et de désordre.
Pour ce faire, il nomma des fonctionnaires issus de la classe inférieure, ce qui lui permit de réduire l'influence des plus fortunés sur les affaires du pays.
Vlad III constitua un corp de fonctionnaires dont l'origine sociale était modeste
Relations avec les nobles
Les nobles, qui avaient traditionnellement exercé un contrôle significatif sur les affaires régionales, voyaient leur influence menacée par Vlad III. Ce dernier n'hésitait pas à éliminer tous ceux qui tentaient de contrecarrer son autorité.
Vlad est connu pour avoir exécuté des nobles qui avaient trahi sa confiance, renforçant ainsi son image de dirigeant implacable. Les chercheurs ont établi qu'à la fin de son deuxième règne, le prince aurait massacré un noble sur trois.
L’empalement comme outil de terreur
Vlad III mit en place un corps d'exécuteurs, les Armas, dont la mission était d'appliquer les peines judiciaires qu’il promulguait lui-même. Ces peines comportaient un éventail d’exécutions particulièrement cruelles, telles que l’empalement, l’ébouillantage, le dépeçage, la décapitation, etc.
La méthode d’exécution favorite de Vlad était l’empalement. Ce châtiment consistait à transpercer une personne avec un pieu. Bien que brutale, cette pratique a été conçue pour inspirer la peur au sein de la population en général. Vlad espérait ainsi dissuader toute rébellion contre son autorité.
Cet usage de la terreur eut des conséquences bonnes et mauvaises pour le gouvernement de Vlad : d'une part, il réussit à restaurer un certain ordre dans une situation politique chaotique ; d'autre part, cette stratégie engendra un climat de terreur et d’insécurité, qui fragilisa les relations entre le peuple et le pouvoir.
Avec l'intensification de l'utilisation de l'empalement comme châtiment, Vlad III s'est forgé une réputation de cruauté qui le suivra à travers les siècles. C’est à partir de son second règne qu’il devint « Vlad l’Empaleur ».
Vlad l’Empaleur et la naissance de Bucarest
Le 21 septembre 1459, Vlad l’Empaleur octroya à des nobles de Bucarest (București en roumain) le privilège de pouvoir fortifier leurs demeures. À cette époque, la localité était décrite comme un simple « marché fortifié » se trouvant au carrefour de routes commerciales importantes.
La décision de Vlad avait pour objectif de sécuriser ce réseau essentiel pour l’économie de la Valachie. Le « marché fortifié » de Bucarest connut par la suite une croissance rapide pour devenir, au XVIIe siècle, le siège du pouvoir princier valaque. Beaucoup plus tard, Bucarest devint la capitale de la Roumanie unie (1859).
Une série philatélique commémorative a été émise le 20 septembre 1959 par la république socialiste de Roumanie pour célébrer le 500e anniversaire de la première mention de Bucarest. La série s’intitule 500 Ani București 1459-1959 (500 ans Bucarest 1459-1959).
La série se compose de six timbres-poste dont l’intérêt réside dans leur capacité à lier les racines historiques de Bucarest avec les réalisations modernes du régime communiste.
Chaque timbre-poste est conçu pour souligner l'évolution de la ville en un centre culturel, politique et sportif prospère. Cela permettait au gouvernement de revendiquer un héritage et une légitimité, tout en célébrant les aspects les plus visibles et significatifs de la capitale en 1959.
Les éléments représentés sont les suivants : l'acte de Vlad l'Empaleur de 1459, la rue Nicolae Bălcescu, l'Atheneum, l’imprimerie, l'opéra et le stade.
Le timbre-poste consacré à l'acte de Vlad l'Empaleur affiche un portrait du prince valaque avec un document écrit. À sa droite, la mention Hrisovul de voievod la 20 septembrie 1459 (Le document du voïévode du 20 septembre 1459).
Ce document historique est central dans la série philatélique, car il marque le début de Bucarest en tant que capitale de la Valachie. Le lien avec Vlad l’Empaleur servait à renforce la dimension nationale de la commémoration et à souligner la continuité historique de la ville. Cette mise en avant du « document du voïévode » était essentiel pour le régime communiste, qui cherchait à légitimer son pouvoir en s'appuyant sur des symboles forts du passé.
Les illustrations de la série ont été conçues par Șerban Zainea, qui a travaillé comme graveur de 1944 à 1968 à la Banque Nationale de Roumanie et dans le monde philatélique roumain. Il est connu comme « le père des timbres gravés roumains modernes ».
La Valachie se redresse : Vlad l’Empaleur rompt avec la tradition
En 1459 également, Vlad prit une décision qui bouleversa les relations entre la Valachie et l'Empire ottoman : il décida de cesser de payer le tribut annuel au sultan.
Ce tribut constituait pour lui une marque de soumission que son père et son grand-père avaient adoptée pour éviter des invasions dévastatrices. Vlad l’Empaleur, attaché à la souveraineté et à l'identité de son pays, voyait ce tribut comme une insulte et un signe de faiblesse.
Il devenait de plus en plus clair pour lui que les ambitions de Mehmed II n’allaient pas s’arrêter à la frontière valaque ; le sultan cherchait à étendre son influence dans les principautés chrétiennes voisines. Cette menace grandissante poussa Vlad l’Empaleur à revoir ses alliances et à envisager de s'opposer directement à l'Empire ottoman.
Matthias Corvin de Hongrie soutint Vlad dans sa volonté de résister aux Turcs. Il promit une aide militaire et des ressources en cas de représailles ottomanes. Avec cet allié puissant, Vlad l’Empaleur se sentait confiant pour rompre son engagement de tribut.
Les prémices d'un conflit majeur : Vlad l’Empaleur et l'Empire ottoman
Le refus de verser le tribut fut un acte de défiance audacieux et calculé : Vlad savait qu'il allait inévitablement provoquer la colère de Mehmed II. Il se prépara alors à défendre la Valachie avec des tactiques de guerre asymétrique, conscient que l'armée ottomane, bien plus nombreuse, serait difficile à contrer dans une bataille traditionnelle.
La décision de Vlad l’Empaleur précipita une série de conflits violents avec l'Empire ottoman : en 1461, il attaqua des avant-postes et des villages ottomans au sud du Danube. Ces actes marquèrent le début d'une confrontation directe, qui allait culminer avec la campagne légendaire de 1462.
1462 : les Turcs entrent en Valachie
Les préparatifs de Mehmed II pour la campagne de 1462 contre Vlad l'Empaleur furent une démonstration de la puissance militaire ottomane et une réponse soigneusement planifiée face aux actions du voïévode valaque.
Mobilisation d'une armée massive
Mehmed II rassembla une armée considérable, estimée entre 60 000 et 100 000 soldats, comprenant des soldats ottomans et des auxiliaires recrutés dans les territoires vassaux. L'ampleur de cette force montre l’importance stratégique que le sultan accordait à cette campagne, car il savait que Vlad l’Empaleur, bien que moins puissant militairement, était un adversaire redoutable et déterminé.
Mehmed II déploya un dispositif militaire de masse pour une campagne en Valachie
Coordination logistique et approvisionnement
Traverser la frontière avec une armée aussi massive nécessitait de grandes quantités de provisions, d'armes et de matériel. Les Ottomans établirent donc une ligne d’approvisionnement solide pour acheminer nourriture, eau et munitions le long de la route de la campagne.
Rassemblement des alliés et troupes auxiliaires
Mehmed II utilisa des vassaux pour affaiblir le prince valaque rebelle. Parmi ceux-ci, Radu le Beau, le demi-frère de Vlad : en cas de succès, le sultan promit de placer ce dernier sur le trône de Valachie, espérant qu’il s’avèrerait plus docile que son demi-frère. Cette promesse attira le soutien des nobles valaques qui s’opposaient à la gouvernance de Vlad l’Empaleur.
Intimidation psychologique et diplomatie
En amont de la campagne, des messages et des émissaires furent envoyés pour tenter de faire pression sur Vlad et le persuader de revenir à l’ordre et de payer le tribut. Vlad l’Empaleur répondit à ces pressions par une escalade de provocations, refusant toute soumission.
Des pressions diplomatiques furent exercées sur Vlad III pour le contraindre au paiement du tribut
Établissement d’un plan d’invasion méthodique
Le plan de Mehmed II consistait à avancer méthodiquement vers le cœur de la Valachie, avec l’objectif de prendre Târgoviște, capitale de la Valachie. Cette approche progressive visait à sécuriser chaque zone traversée, en utilisant l’artillerie pour neutraliser toute résistance
Grâce à cette préparation minutieuse, Mehmed II pensait être prêt pour une campagne décisive en Valachie. Cependant, les forces de Mehmed furent confrontées à une résistance acharnée et à un usage intelligent du terrain par Vlad l’Empaleur, qui infligea des pertes considérables aux Ottomans.
La terreur comme arme de guerre : l'attaque de nuit du 17 juin 1462
Vlad mena une guerre d'attrition, une stratégie militaire dont l'objectif principal est d’épuiser les ressources humaines, matérielles et morales de l'ennemi : tactique de la terre brûlée, empoisonnement des puits, destruction des diverses ressources, embuscades, exhibition massive des morts, etc.
L'un des moments les plus marquants fut ce qu'on appelle « l'attaque de nuit du 17 juin 1462 », durant laquelle Vlad l’Empaleur lança une attaque surprise sur le camp ottoman. Bien que l'assaut ait causé de lourdes pertes dans les rangs ottomans, Vlad échoua, cependant, à capturer ou tuer le sultan.
Un tableau historique célèbre la scène de l'escarmouche qui marqua la nuit du 17 juin 1462 entre Vlad l'Empaleur et Mehmet II.
La bataille aux flambeaux
Réalisé en 1866 par le peintre roumain Theodor Aman
Huile sur toile, 622 X 1012 mm
Conservé au Musée Theodor Aman, Bucarest
Cette image est issue du domaine public.
Les atrocités de Vlad l'Empaleur : la forêt des empalés
Au début de juillet 1462, dans une ultime tentative de dissuasion, Vlad l’Empaleur érigea une scène macabre qui reste légendaire : il empala des milliers de prisonniers ottomans et valaques accusés de trahison, créant une véritable « forêt de pals » à l'entrée de Târgoviște. Les sources ottomanes rapportent que Mehmed II, frappé d'horreur, refusa d'avancer davantage devant cette vision cauchemardesque.
Bien que Vlad l’Empaleur ait infligé des pertes notables et une forte impression aux Ottomans, la bataille ne se termina pas en une victoire décisive pour la Valachie ; les forces de Vlad finirent par s'affaiblir et il fut contraint de fuir après la trahison de Radu le Beau. Vlad l’Empaleur se réfugia en Transylvanie, où il fut fait prisonnier par Mattias Corvin.
De l'apogée à la chute : le destin tragique de Vlad l’Empaleur
Matthias Corvin estimait qu'un prince comme Vlad l’Empaleur à la tête de la Valachie risquait de déstabiliser toute la région et de rendre difficile le maintien de l'influence hongroise. Vlad constituait un allié peu fiable, car ses actions étaient perçues comme trop imprévisibles et dangereuses :
- Dès son accession au trône valaque en 1456, Vlad s’était montré brutal et s’était heurté avec la noblesse valaque ;
- Vlad avait eu des affrontements avec les Transylvains, une population sous la protection du roi hongrois ;
- Vlad s'était engagé dans des actions militaires trop ambitieuses en menant une guerre contre les Ottomans.
L’emprisonnement de Vlad l’Empaleur par le roi de Hongrie dura 13 ans, pendant lesquels la Valachie était gouvernée par Radu le Beau, le demi-frère pro-ottoman.
Représentation de Radu Le Beau, demi-frère et ennemi de Vlad l'Empaleur
En 1475, après sa libération, Vlad l'Empaleur retourna en Valachie avec l'aide de Matthias Corvin. Il parvint à reprendre le trône de Valachie, mais son règne ne dura que quelques mois. Il fut à nouveau confronté à une invasion ottomane sous Mehmed II, qui souhaitait reprendre le contrôle de la région.
Vlad l’Empaleur mena une dernière résistance acharnée, mais il fut tué en décembre 1476, dans des circonstances mal connues.
Son corps fut retrouvé décapité et fut enterré dans un monastère de Snagov, près de Bucarest. Certains historiens suggèrent qu'il pourrait avoir été enterré ailleurs, dans un lieu plus secret.
Vlad l'Empaleur : d'un tyran oublié à un héros national
Après sa mort en 1476, la figure de Vlad l'Empaleur fut vite oubliée dans les récits historiques. Son règne, marqué par sa brutalité envers ses ennemis, avait pourtant laissé une empreinte dans les chroniques de son époque. Ces récits furent relégués dans une mémoire marginale, en grande partie à cause des changements dans les priorités historiques des siècles suivants.
Les guerres et les luttes pour le pouvoir, ainsi que la montée de nouveaux régimes politiques, contribuèrent à minimiser l'importance du règne de Vlad l’Empaleur.
Vlad l’Empaleur, un héros de la Roumanie
Ce n'est qu'au milieu du XIXe siècle que la figure de Vlad l’Empaleur fut réinterprétée par des écrivains, des historiens et des artistes, dans le contexte de la montée des nationalismes en Europe, qui cherchaient à redécouvrir leurs racines et à se construire une identité forte.
Des œuvres littéraires, des poèmes et des peintures contribuèrent à construire une légende autour de ce personnage historique, le présentant à la fois comme un voïévode redoutable et un héros romantique.
Les nationalistes roumains s'approprièrent son image pour promouvoir une vision de l'histoire soulignant la continuité de l'identité roumaine à travers les siècles. En associant Vlad l’Empaleur à la lutte pour l'unité nationale, ils créèrent un récit historique qui valorisait la bravoure et l’héroïsme de ce voïévode valaque.
De l'histoire à la propagande : Vlad l'Empaleur sous Ceaușescu
Plus près de nous, le régime communiste de Nicolae Ceaușescu mit l'accent sur le nationalisme comme élément central de sa propagande. Ceaușescu cherchait à établir une identité roumaine forte, en mettant en avant des figures historiques importantes pour la Roumanie. La figure de Vlad l'Empaleur était tout indiquée pour servir cette idéologie.
Le régime communiste organisait des célébrations et érigea des monuments en l'honneur de Vlad l'Empaleur. Ces actions étaient des moyens pour soutenir l’image de Nicolae Ceaușescu comme celle d’un leader fort, tout en détournant l'attention des problèmes intérieurs du pays.
Sous Ceaușescu, les manuels scolaires et les programmes éducatifs mirent l'accent sur l'importance de Vlad l'Empaleur dans l'histoire roumaine. Cela contribua à façonner la perception des jeunes générations sur leur héritage national : des figures historiques avaient lutté pour la liberté et l'indépendance de la république socialiste de Roumanie, ce qui faisait écho aux discours du régime sur le socialisme.
Enfin, Nicolae Ceaușescu cherchait à se distancer de l'influence soviétique et l'invocation de figures historiques telles que Vlad l'Empaleur servit à illustrer la résistance de la Roumanie contre des puissances extérieures : l'Empire ottoman était ainsi mis en parallèle avec l’U.R.S.S.
La naissance d'un mythe : Vlad l'Empaleur et Dracula
La figure de Vlad l'Empaleur devint également une légende, largement exploitée dans les récits et les mythes, à travers le personnage de Dracula.
La seconde illustration du bloc philatélique émis en 1997 présente un portrait de Vlad l’Empaleur devenu Dracula. Son image est plus sombre et mystérieuse. Il porte une couronne décorée d’une pierre précieuse, mais une partie de son visage est ombragée. Ses yeux ne sont pas visibles.
En arrière-plan, un ciel sombre et une forme de chauve-souris font écho à la légende populaire de Dracula. L’inscription Povești și Legende – Dracula (Histoires et légendes – Dracula) fait référence à la légende liée au célèbre vampire Dracula.
De l'histoire à la légende : l'épopée philatélique de Vlad l'Empaleur
De son rôle historique de défenseur contre les Turcs à sa transformation en icône mythologique, Vlad l'Empaleur s'est vu attribuer une dimension légendaire qui a dépassé de loin les frontières de son pays et de son époque. C’est ainsi que sa figure se transforma en un héros national et en une source d'inspiration pour des récits littéraires et des symboles populaires.
Le bloc philatélique roumain de 1997 illustre parfaitement cette transformation. Le timbre-poste consacré à Dracula annonce la suite de ce spécial philatélique sur Dracula, dans laquelle nous retrouverons le personnage historique dans une chronique sur la littérature du XIXe siècle.
R. Simard
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