Chronique sur l'histoire de la Norvège
En 1941, alors que la Norvège était sous l'occupation allemande, le pays a célébré son patrimoine culturel en honorant Snorri Sturluson, une grande figure de son histoire littéraire. À l'occasion du 700e anniversaire de sa mort, une superbe série de timbres-poste a été émise pour célébrer la résilience des Norvégiens face à l'oppression des envahisseurs.
Cette Chronique sur l'histoire de la Norvège montre comment les actes de résistance durant l'occupation allemande ont été associés à des événements historiques importants.
C'est en 1941, au cœur de l'occupation allemande, que la Norvège a choisi de célébrer l'une des figures les plus marquantes de son histoire littéraire : Snorri Sturluson. En émettant une série de timbres-poste à l'occasion du 700e anniversaire de sa mort, la Norvège affirmait avec force son attachement à son patrimoine culturel.
Ce geste, empreint de symbolisme, était une manière de rappeler à ses citoyens, mais aussi au monde entier, que l'identité norvégienne transcendait les épreuves du moment. Les timbres-poste de cette série philatélique devenaient ainsi les porte-étendards d'une culture résistante.
Les timbres-poste et l’héritage culturel norvégien
Les timbres-poste de la série ont été conçus avec soin pour refléter l'importance historique de Snorri Sturluson et de ses écrits.
L’inscription « SNORRE STURLASON 1178-1241 » figure en lettres majuscules sur chaque timbre-poste, soulignant qu'il a vécu au XIIIe siècle, une époque riche en bouleversements politiques et culturels dans l’histoire scandinave.
Le mot « NORGE » veut dire « Norvège » en langue norvégienne, qui existe sous deux formes écrites : le Bokmål, forme la plus couramment utilisée, et le Nynorsk, utilisée principalement dans certaines régions du pays.
Chaque timbre a une valeur faciale donnée en « øre », qui est la subdivision de la couronne norvégienne : une couronne (krone) norvégienne équivaut à 100 øre. Bien que les pièces de 1, 5, 10 et 20 øre aient été retirées de la circulation en 2012, les øre continuent d'être une référence historique importante dans le système monétaire norvégien.
Les timbres-poste sont encadrés par des motifs ornementaux de style nordique, en particulier des entrelacs et des volutes, qui rappellent les motifs artistiques du Moyen-Âge scandinave. Ces décorations ajoutent une note épique et solennelle à la série, tout en renforçant l’héritage culturel qu’elle célèbre.
Cet héritage culturel a été mis à l'épreuve dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, alors que la Norvège dut affronter une invasion qui a marqué un tournant décisif dans son histoire.
L'invasion foudroyante de la Norvège par le Troisième Reich
L'invasion de la Norvège par le Troisième Reich représente une étape déterminante de la Seconde Guerre mondiale. Cet événement, qui a surpris le monde par sa rapidité et son ampleur, a profondément modifié le paysage politique et militaire de l'Europe du Nord.
Le plan de l’occupation allemande et l'opération Weserübung
Le 9 avril 1940, à 5h 15 du matin, Adolf Hitler déclenchait l'opération Weserübung, une attaque coordonnée sur le Danemark et la Norvège. Cette opération comprenait deux volets : le Weserübung Süd, qui avait pour objectif d’occuper pacifiquement le Danemark ; le Weserübung Nord, qui avait pour but de devancer les Alliés en Norvège et d'établir des bases navales et aériennes afin de menacer directement le Royaume-Uni.
En mettant en œuvre les techniques du Blitzkrieg, combinant la puissance aérienne, la marine et les troupes terrestres, l’Allemagne du Troisième Reich entendait subjuguer rapidement les forces danoises et norvégiennes. Ces dernières étaient mal préparées et mal équipées pour faire face à une telle offensive.
Carte illustrant le plan d'invasion du Danemark et de la Norvège par le Troisième Reich
L'occupation allemande : la chute rapide du Danemark
Le Danemark fut envahi en quelques heures : des troupes débarquèrent à Aarhus, Esbjerg, Odense et Frederiksberg, tandis que des bombardiers survolaient Copenhague.
En dépit de son infériorité numérique, l'armée danoise tenta de s'opposer aux envahisseurs. Elle fut néanmoins écrasée en l'espace de quelques heures : l'avancée fulgurante des blindés allemands neutralisa rapidement les foyers de résistance qui s’étaient constitués.
Les Allemands intimèrent les ministres danois de négocier, menaçant de bombarder Copenhague s'ils ne cédaient pas immédiatement. Acculés sous la pression allemande, le roi Christian X et le gouvernement danois capitulèrent à 7h 20, afin d’éviter des pertes civiles importantes.
Cette décision, bien que difficile, fut motivée par la volonté de préserver l'intégrité du pays et de minimiser les souffrances de la population face à la puissance militaire allemande. En optant pour la capitulation, le roi et le gouvernement danois espéraient maintenir une certaine autonomie et éviter des représailles plus sévères de la part des occupants.
La Norvège dominée en quarante-huit heures
L'invasion allemande prit également la Norvège par surprise, provoquant une réaction initiale désorganisée face à la soudaine offensive. Les forces norvégiennes, mal préparées et sous-équipées, se sont rapidement retrouvées désavantagées face à la stratégie fulgurante des troupes allemandes.
Durant la journée du 9 avril 1941, la plupart des ports norvégiens furent mis sous contrôle allemand . Dans certaines régions, les combats se poursuivirent pendant plusieurs semaines, en particulier dans le Nord de la Norvège.
Oslo
Les défenses côtières d'Oslo réussirent à repousser une première tentative d'invasion navale. La ville fut cependant submergée par des parachutistes et des troupes de débarquement qui s’emparèrent des positions stratégiques. La prise rapide d'Oslo permit aux Allemands d'établir un contrôle efficace sur la capitale norvégienne et de coordonner leurs opérations militaires dans le reste du pays.
Oslo fut submergée par des parachutistes et des troupes de débarquement.
Kristiansand
La prise de Kristiansand nécessita plusieurs assauts allemands, révélant des difficultés rencontrées par les forces d'invasion dans certaines zones. Les combats acharnés autour de la ville illustrèrent la ténacité des défenseurs, qui firent tout leur possible pour retarder l'avancée allemande et protéger ce port important.
La prise de Kristiansand nécessita plusieurs assauts allemands.
Stavanger et Bergen
À Stavanger, une stratégie d'encerclement désorienta les défenseurs et permit aux Allemands de sécuriser un port stratégique important pour leurs opérations navales. À Bergen, la rapidité de l'attaque a également surpris les défenseurs, garantissant ainsi un contrôle rapide sur une autre position maritime essentielle.
Les ports de Stavanger et Bergen, grâce à leurs infrastructures portuaires développées, ont permis aux Allemands de mettre en place un réseau logistique efficace pour ravitailler leurs troupes en Norvège.
À Stavanger, une stratégie d'encerclement permit de désorienter les défenseurs.
Trondheim
À Trondheim, les défenses côtières norvégiennes furent dépassées par l’arrivée des navires allemands dissimulés par des écrans de fumée. Cette tactique a conduit les Allemands à prendre les défenseurs au dépourvu et à minimiser les pertes dues à la détection ennemie.
La capture de cette ville permit aux Allemands d'établir un point d'appui important dans le centre et le nord du pays. Cet avantage leur a également permis de sécuriser les lignes d'approvisionnement et de communication, renforçant ainsi leur contrôle sur la région.
À Trondheim, les navires allemands sont arrivés dissimulés par des écrans de fumée.
Narvik
La prise de Narvik fut marquée par des combats particulièrement violents. Des bunkers, des canons côtiers et d'autres structures défensives avaient été construits durant les années 1930, afin de protéger ce port et ses installations. Ces fortifications n'étaient pas totalement achevées au moment de l'invasion allemande.
La prise de Narvik fut marquée par des combats particulièrement violents.
Les fortifications furent détruites, les navires de garde-côtes coulés et la résistance terrestre écrasée. Narvik était un port de première importance pour l’Allemagne nazie, car il permettait un accès direct à l’approvisionnement en minerai de fer, élément essentiel pour son industrie militaire.
En seulement quarante-huit heures, les 5 divisions d’infanterie mobilisées pour le Weserübung Nord, soutenues par toute flotte de guerre allemande et plus de 1000 avions, réussirent à conquérir les principaux ports norvégiens[1].
La Wehrmacht avait réussi à installer la domination du Troisième Reich sur la Norvège.
Campagne Alliée en Norvège : défis et obstacles
Devant l'avancée allemande en Norvège, les forces Alliées intervinrent dans le but de repousser l'envahisseur. Le 13 avril 1940, la Marine britannique entrait en action à Narvik, coulant des navires allemands.
Le lendemain, des troupes britanniques et françaises débarquaient à Narvik : ils avaient pour objectif de sécuriser le port et de couper les lignes d'approvisionnement en minerai de fer.
Le 13 avril 1940, la Marine britannique entrait en action à Narvik, coulant des navires allemands.
Cette intervention marquait le début d'une campagne alliée pour reprendre le contrôle des régions norvégiennes confrontées à l'expansion allemande. Malgré les efforts des Alliés, la campagne de la Norvège se heurta à de nombreux défis, tels que des conditions météorologiques difficiles et une logistique complexe.
Les efforts des forces alliées furent entravés par des désaccords stratégiques et un manque de coordination. L'absence d’un soutien logistique suffisant et des contre-attaques allemandes efficaces conduisirent au repli des Alliés. À la mi-juin 1940, la Norvège était totalement occupée par l'Allemagne.
La famille royale norvégienne fut contrainte de quitter la Norvège et trouva asile en Grande-Bretagne. De Londres, le roi Haakon VII et le prince héritier Olav continuèrent à diriger le gouvernement norvégien en exil et à soutenir la lutte contre l'occupant.
Un gouvernement collaborateur, dirigé par le Norvégien Vidkun Quisling, trahi les intérêts de son pays en soutenant l'agression allemande et en persécutant les opposants au régime. Ce gouvernement s'est ainsi rendu complice des actions commises par l'occupant.
Vidkun Quisling dirigea le gouvernement collaborateur norvégien
Pourquoi envahir la Norvège ?
Bien que neutre, la Norvège était stratégiquement importante pour le Troisième Reich, en raison de sa position géographique et de ses ressources naturelles. L’opération Weserübung visait à sécuriser les routes maritimes pour la marine allemande et à assurer un approvisionnement en fer, essentiel pour l'armement nazi.
Les mines de fer suédoises
La Suède, bien que neutre, était un important fournisseur de minerai de fer, une ressource vitale pour l'industrie de guerre allemande. Le minerai était extrait principalement des mines du nord de la Suède, à Kiruna et Malmberget, puis transporté jusqu’en Allemagne via les ports suédois et norvégiens. Celui de Narvik, en Norvège, était accessible même en hiver, ce qui en faisait une voie privilégiée.
Carte montrant les principales mines de fer suédoises et leur réseau de transport
Cette image a été modifiée avec autorisation et provient de Jniemenmaa
Le gouvernement suédois, dirigé alors par le Premier Ministre Per Albin Hansson, adopta une politique de neutralité stricte face au conflit qui ravageait l'Europe. Toutefois, cette neutralité fut mise à l'épreuve dans le contexte des besoins économiques et des pressions géopolitiques, en particulier en ce qui concernant l'exploitation du fer suédois.
Consciente de la dépendance de l'Allemagne nazie envers le minerai de fer suédois, la Suède continua à fournir cette ressource tout au long de la guerre, en particulier durant les premières années du conflit.
Ce commerce était économiquement avantageux pour la Suède, mais il était aussi une manière de maintenir de bonnes relations avec l'Allemagne. Bien que la Suède ait réussi à éviter l'invasion et à préserver sa neutralité officielle, sa collaboration économique avec l'Allemagne reste un sujet controversé.
Représentation du chargement du minerai de fer suédois à la fin des années 1930
L'occupation allemande : Émotions et résilience des Norvégiens
L'invasion allemande de 1940 a plongé les Norvégiens dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Le choc initial a rapidement laissé place à une résistance farouche. Des groupes clandestins se sont formés, sabotant des infrastructures allemandes et offrant des refuges aux Alliés.
Les Allemands ont répondu à la résistance par des mesures de répression brutales : de nombreux Norvégiens ont été arrêtés, torturés ou exécutés pour leur opposition, créant un climat de peur et de méfiance.
Pourtant, la solidarité a prévalu. Les Norvégiens ont soutenu les résistants, accueilli les réfugiés et maintenu un lien étroit avec leur gouvernement en exil. Si certains ont collaboré avec l'ennemi, la majorité a choisi de défendre les valeurs de la Norvège et son indépendance. Cette période a été un tournant décisif dans la construction de l'identité moderne des Norvégiens.
Cette volonté des Norvégiens de préserver leur identité nationale s'est exprimée de multiples façons, notamment à travers des éléments culturels. La série philatélique à la mémoire de Snorri Sturluson en est un bon exemple.
Snorri Sturluson et la série philatélique : un message d'espoir
Les timbres-poste de la série philatélique étaient volontairement sobres, afin de ne pas attirer l'attention des autorités occupantes. Derrière leur apparence anodine se cachait un message d'espoir et de résistance, un rappel discret de l'identité norvégienne.
C'est à travers l'œuvre de Snorri Sturluson, écrivain islandais au XIIIe siècle, que les Norvégiens ont pu renouer avec leur passé glorieux et préserver leur patrimoine culturel face à l'uniformisation imposée par l'occupant.
Snorri Sturluson : écrivain et politicien au cœur de l'histoire norvégienne et scandinave
Snorri Sturluson (1179-1241) est surtout connu pour ses écrits sur la mythologie nordique, l'Edda de Snorri et pour son Histoire des rois de Norvège :
L'Edda de Snorri (Snorra Edda) contient une description détaillée des dieux nordiques, depuis la création du monde jusqu'à la fin des temps dans la mythologie nordique. Cette œuvre fait de Snorri Sturluson l'une des principales sources de notre connaissance des croyances païennes scandinaves.
L’histoire des rois de Norvège (Heimskringla) est une vaste chronique historique qui raconte l'histoire des rois de Norvège, depuis les légendaires Ynglingar jusqu'à la fin du règne de Magnus Erlingsson au XIIIe siècle. Ce texte est une source essentielle pour comprendre l'histoire médiévale scandinave.
Né dans une famille de chefs islandais, Snorri Sturluson a grandi dans un milieu politique influent, ce qui lui a permis d'apprendre beaucoup sur la culture et les traditions islandaises. En plus de ses écrits, il a joué un rôle important en politique, s'impliquant à la fois dans les affaires de l’Islande et dans celles de la Norvège.
La structure sociale de la société viking
La société médiévale islandaise était divisée en clans familiaux, un ensemble de personnes liées par le sang ou par le mariage. Chaque clan était dirigé par un chef de clan, le goði (pluriel goðar).
Le goði offrait à ses partisans des terres, du bétail ou de l'argent en échange de leur loyauté et de leur soutien. Pour favoriser les liens d’amitié et de solidarité au sein des membres de son clan, le goði organisait des banquets et des fêtes plusieurs fois par an[2].
Représentation d'un banquet donné chez un goði
Les clans islandais se réunissaient plusieurs fois durant l’année dans des assemblées appelées Þing. Ces réunions servaient à discuter des problèmes qui survenaient à l’intérieur du clan. Le goði était sollicité pour régler les litiges et rendre des jugements.
L'Alþing : une institution clé de la société viking
Le Þing le plus important de l’île était l'Alþing. Tous les goðar de l’Islande devaient se rendre à l’Alþing une fois par an pour représenter les intérêts de leur clan. C'était un moment de rencontre et de discussion important pour tous les Islandais.
L’Alþing était une occasion pour discuter des lois, résoudre des conflits et prendre des décisions importantes pour la communauté islandaise.
Cette assemblée se tenait à Þingvellir (Plaines de l'assemblée), à environ 50 kilomètres au nord-est de Reykjavik. Elle avait lieu généralement en été, lorsque le temps était propice aux déplacements. Grâce au soleil de minuit, les Islandais pouvaient profiter de longues journées ensoleillées pour se réunir et discuter[3].
Représentation de l'Alþing à Þingvellir
Après l’adoption du christianisme en Islande en l’an mil, les goðar ont été aussi impliqués dans l'enseignement de la foi chrétienne. Ils pouvaient financer la construction d'églises, soutenir des prêtres et influencer les affaires religieuses locales. Les chefs de clan occupaient en quelque sorte une position intermédiaire, permettant de concilier les intérêts de la société civile avec ceux de l'Église.
Le rôle des goðar était ainsi essentiel pour maintenir l'ordre social en Islande, avant l'émergence d'un État centralisé.
Snorri Sturluson : l'impact de son père sur son destin
Hvamm-Sturla Þórðarson (1115-1183), le père de Snorri Sturluson, était góði la région de Snæfellsnes, une région située dans l'ouest de l'Islande. Cette région est connue pour ses montagnes, ses fjords et le célèbre glacier Snæfellsjökull.
Hvamm-Sturla Þórðarson était un chef de clan qui fut impliqué dans de nombreux conflits aux XIIe siècle. Les batailles qu’il a menées contre ses rivaux ont affaibli la société islandaise et ont conduit l’Islande à sa domination par le royaume norvégien en 1262.
Le père de Snorri Sturluson était góði dans la région de Snæfellsnes
C'est au cours de l’un de ces conflits que Sturla Þórðarson fut amené à prendre une décision qui allait marquer à jamais l’avenir de son fils : afin d'assurer son avenir, il envoya vivre Snorri chez Jón Loptsson, le goði le plus puissant de l'île. À l'aube de ses quatre ans, le jeune Snorri Sturluson quitta son foyer natal pour aller vivre chez son père adoptif au sud-est de l’Islande.
Oddi et l’éducation de Snorri Sturluson
Oddi était le domaine où habitait Jón Loptsson. Il était situé dans la région de Rangárvellir (Plaines de la rivière Rangá). Oddi était un important centre religieux et culturel de l’Islande. Des érudits et des lettrés y résidaient, étudiant et copiant des manuscrits.
Snorri grandit dans un environnement intellectuel, dans lequel les textes de lois, les récits historiques et la connaissance de la littérature et de la poésie étaient hautement valorisés.
Une église y fut construite dès l'introduction du christianisme en Islande. Les prêtres d'Oddi jouaient un rôle de premier plan dans la vie religieuse de la région.
Représentation du domaine d'Oddi
Bien que les sources historiques évoquant la jeunesse de Snorri Sturluson soient rares, il est probable qu'il ait été formé aux arts martiaux. L'Islande à cette époque était encore une société « viking » : la maîtrise des armes, dans ce cadre social, était une compétence essentielle à la fois pour se défendre et pour montrer son statut social.
Jón Loftsson a offert à Snorri une excellente éducation, ce qui a sans doute éveillé chez lui un grand intérêt pour la littérature et la politique, deux passions qui l'accompagneront toute sa vie.
Le mariage de Snorri Sturluson
En 1199, Snorri Sturluson épousa Herdis, dont le père possédait le domaine de Borg, dans la région de Borgarfjörður. Ce mariage permit à Snorri d'accéder à cette riche propriété qu'il hérita en 1201.
Grâce à une gestion avisée de Borg, Snorri vit sa fortune s'accroître rapidement dans son nouveau domaine. Il devint goði de Borgarfjörður, consolidant ainsi son influence et sa notoriété dans la région.
Vers l'an 1206, cependant, Snorri Sturluson décida de quitter Borg pour s'établir à Reykjaholt, une autre riche propriété de la région de Borgarfjörður.
Snorri Sturluson et la vie à Reykjaholt
Reykjaholt était une ferme d'élite, construite en grande partie en tourbe, comme c'était courant pour les habitations islandaises. Les bâtiments du domaine incluaient une maison longue (langhús), résidence principale pour Snorri et ses proches, et des structures pour le bétail, la transformation des aliments et le stockage des récoltes.
Outre la famille de Snorri, Reykjaholt abritait aussi des domestiques, des fermiers, des artisans et même des conseillers.
Ce lieu était aussi un important site culturel, où des discussions intellectuelles et politiques avaient lieu. L'influence de Snorri en tant qu'écrivain et homme de loi se reflétait dans l'effervescence de la vie quotidienne à Reykjaholt, attirant des penseurs et des leaders de la région.
Snorri Sturluson aimait étudier et écrire
Le lögsögumaðr dans la société islandaise
En 1215, Snorri Sturluson devint lögsögumaðr, un poste prestigieux à l'Althing. Ce terme signifie littéralement « homme qui récite la loi », car le lögsögumaðr devait mémoriser toutes les lois islandaises et les réciter lors des assemblées.
Cette fonction était très importante dans une société où l'écriture n'était pas encore largement répandue. La transmission des savoirs se faisait principalement de manière orale. Le lögsögumaðr jouissait ainsi d'un grand prestige et d'une autorité morale sur l’ensemble de la communauté islandaise[4]. Snorri exerça cette charge à deux reprises dans sa vie : de 1215 à 1218 et de 1222 à 1231.
Le jeune roi de Norvège Hákon IV
L’implication de Snorri Sturluson dans la politique ne s’est pas limitée à l'Islande. Il a entretenu des relations complexes avec Hákon IV, roi de Norvège de 1217 à 1263. Ces relations ont été caractérisées par des tensions récurrentes et des jeux d'influence.
Le jeune roi de Norvège avait pour objectif d’étendre son influence sur les îles nord-atlantiques qui avaient été colonisées par des Scandinaves durant les siècles précédents. Ces territoires maritimes comprenaient les Orcades, les Shetland, les Hébrides, l’île de Man, le Groenland et les îles Féroé. Il étaient tous sous juridiction norvégienne.
Représentation du jeune roi de Norvège Hákon IV
Restait l’Islande. Bien qu'elle ait été formellement indépendante à cette époque, l’Islande demeurait vulnérable aux pressions extérieures : la société était en proie à des luttes continuelles entre les grandes familles influentes L'absence d'un pouvoir centralisé fragilisait cette société qui se voulait farouchement indépendante.
Cette instabilité politique constituait une porte ouverte à l'ingérence étrangère, notamment de la Norvège, qui a progressivement cherché à exploiter ce maillon faible de la société islandaise.
De plus, la Norvège dominait largement les échanges commerciaux avec l'île, exportant du bois, des métaux et des biens manufacturés. L'accès à ces biens venant de la Norvège était essentiel pour la survie des Islandais, qui vivaient dans un environnement naturel difficile.
Snorri Sturluson invité en Norvège
Hákon adopta une approche diplomatique et opportuniste pour tenter d'intégrer l'Islande dans son empire. Son plan était de préparer l’annexion de l’Islande sans recourir à une intervention militaire. Pour cela, il cherchait à tisser des liens avec les grandes familles islandaises en accueillant certains de leurs membres à sa cour.
Une occasion fortuite se présenta : en 1217, Snorri avait écrit un poème dédié à Hákon galinn, un noble norvégien. Pour le remercier, ce dernier lui fit parvenir une épée, un bouclier et une cotte de mailles, des présents témoignant d’une grande estime.
Snorri Sturluson reçu de Norvège des présents témoignant d'une grande estime
Hákon galinn avait joint à ces présents une lettre invitant Snorri en Norvège. Cette perspective plaisait beaucoup à Snorri Sturluson. Cependant, Hákon galinn décéda peu après. Quelques mois plus tard, ce fut le roi Hákon IV lui-même qui invita Snorri en Norvège.
Snorri Sturluson visite la Norvège
Lors de son arrivée en Norvège en 1218, Snorri Sturluson fut accueilli avec beaucoup d'honneur à la cour royale, où il impressionna le roi et ses conseillers par ses talents de poète et de diplomate. Il fut rapidement intégré aux cercles influents du roi, gagnant la confiance de Hákon IV et du tuteur de ce dernier, le duc Skúli Bárdarson.
En compagnie du jeune roi et de son tuteur, Snorri visita des régions de la Norvège et séjourna dans des villes importantes telles que Bergen et Niðaros. Durant l'été 1219, il entreprit également un voyage en Suède, durant lequel il se lia d'amitié avec une famille de la noblesse. Il reçut là aussi des cadeaux, car il avait composé un poème en l'honneur de l'épouse du sénéchal de Vestrogothie.
Le prince Skúli, Hakon IV et Snorri Sturluson visitèrent la Norvège
Hákon IV accorda à Snorri de nombreux honneurs avec des cadeaux assortis de promesses de protection. Il parvint ainsi à convaincre l'Islandais de prêter serment d’allégeance : par ce serment, Snorri s’engageait à défendre les intérêts de la Couronne norvégienne en Islande.
Entre Norvège et Islande : le dilemme de Snorri
À partir de ce moment, Snorri Sturluson se retrouva dans une situation délicate : d'un côté, il était tenu de protéger les intérêts de son pays natal, l'Islande ; de l'autre, il avait juré fidélité à la Couronne norvégienne. Ces attentes contradictoires allaient exercer sur lui une pression de plus en plus forte.
Une fois achevé son second mandat de lögsögumaðr (1231), Snorri fut entraîné dans le tourbillon des luttes intestines qui opposaient les grands clans islandais.
Pressé par les circonstances de plus en plus difficiles en Islande, Snorri Sturluson retourna en Norvège en 1237. Il découvrit alors un pays en proie à de violentes dissensions : le roi Hákon et le prince Skúli s'affrontaient dans une lutte sans merci pour le pouvoir, leurs partisans s'opposant avec une haine féroce.
Snorri trouva refuge pendant deux ans auprès du prince Skúli, qui s’était fait couronner roi à Niðaros, dans la région du Trøndelag. Quand Snorri Sturluson décida de retourner en Islande, il défia l'ordre prononcé par Hákon IV, qui lui interdisait de quitter la Norvège.
Désormais, Hákon IV le considéra comme un traître à sa cause. Il mandata un autre chef islandais, Gissur Þorvaldsson, de l’assassiner sur son ordre. Snorri Sturluson fut tué dans sa ferme de Reykholt la nuit du 22 septembre 1241, mettant un terme brutal à sa carrière politique et littéraire.
Durant la nuit du 22 septembre 1241, Snorri Sturluson a été assassiné dans sa ferme de Reykholt
Le timbre-poste : Snorri Sturluson vu par Christian Krohg
L’image sur le timbre-poste consacré à Snorri Sturluson est l'œuvre de l’illustrateur norvégien Christian Krohg (1852-1925), réalisée pour l'édition de l'Histoire des rois de Norvège publiée à Oslo (appelée Christiana jusqu’en 1925) en 1899. Cette illustration a contribué à populariser l'image de Snorri Sturluson à travers le monde.
Snorri Sturluson
Snorri Sturluson représenté par l’illustrateur Christian Krohg
L’illustration présente un homme âgé, portant une barbe fournie et vêtu de vêtements d’époque. Il est assis et semble pensif, tenant un livre dans sa main gauche. Son expression et sa posture suggèrent qu'il est en train de réfléchir ou de méditer. Le livre tenu dans sa main symbolise son œuvre et renvoie à son rôle central dans la transmission des écrits islandais du Moyen-Âge.
Snorri Sturluson : entre culture et résistance
La série de timbres émise par la Norvège en 1941 pour le 700e anniversaire de la mort de Snorri Sturluson est un témoignage poignant de l'importance de cet écrivain et politicien pour la culture norvégienne.
En plus de célébrer le grand homme qu’était Snorri Sturluson, les timbres-poste de la série ont servi de rappel de la force et de la persévérance du peuple norvégien, à travers un patrimoine culturel et littéraire qui continue de résonner à travers les siècles.
Il faut voir maintenant les événements historiques qui ont servi à illustrer la résistance norvégienne à l’occupation allemande à travers des actes de bravoure et de détermination ressortis de l’histoire médiévale.
R. Simard
Références
[1] ARBARÉTIER, Vincent, La conquête de la Norvège (1940) La première opération interarmées de l’histoire, 2014, Economica, p. 55.
[2] Byock, Jesse, L’Islande des Vikings, 2001, Aubier, p. 147.
[3] Byock, Jesse, L’Islande des Vikings…, p. 191-205.
[4] BOYER, Régis, L’Islande médiévale, 2001, Les Belles Lettres, p. 51.
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