Chronique sur la propagande socialiste-soviétique
La Foire de Leipzig a traversé les siècles. C'est au Moyen Âge qu’elle connut son apogée, attirant des marchands de toute l'Europe. Son rayonnement était tel qu’elle était considérée comme la plus grande foire du monde à cette époque. Tout en conservant son esprit d'origine, la Foire de Leipzig évolua en fonction des mutations historiques, économiques et politiques. Cette chronique nous plonge au cœur de ses moments les plus marquants.
Des symboles de renaissance et d'unité
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne était divisée et en ruines. Leipzig, située dans la zone d'occupation soviétique, fut intégrée à la République Démocratique Allemande (RDA) lorsque celle-ci fut créée en 1949. La Foire de Leipzig, qui avait déjà une réputation bien établie en tant que centre commercial majeur, joua un rôle crucial dans la revitalisation économique de cette région.
Entre 1947 et 1949, les autorités postales de la zone d'occupation soviétique de l’Allemagne émirent des séries de timbres-poste pour célébrer la foire de Leipzig. Ces timbres-poste avaient plusieurs objectifs : rappeler l'importance historique de la Foire, stimuler l'économie locale et symboliser l'espoir et la résilience dans la période d'après-guerre.
La foire de Leipzig : un cœur battant du commerce médiéval
Au cœur de la Saxe, la Foire médiévale de Leipzig était un rendez-vous incontournable pour les marchands de toute l'Europe. Ce lieu d'échanges, d'une importance capitale, contribuait à façonner le paysage commercial du continent et était reconnu comme l'un des plus grands centres de commerce de son temps.
Leipzig : berceau d'une foire millénaire
Les débuts de la foire de Leipzig remontent au XIIe siècle, lorsque la ville de Leipzig devint un lieu de rencontre naturel pour les commerçants venus d'Allemagne, d'Europe de l'Est, et d'Italie. En 1165, le margrave Otto le Riche accorda à la ville le droit de tenir des marchés réguliers, marquant ainsi la fondation officielle de la foire.
Représentation d'une bractéate d'Otto le Riche
Leipzig devint ainsi, dans ses premiers temps, un pôle européen de la fourrure et du textile. La foire se distingua rapidement par son dynamisme et son ouverture aux marchands étrangers. Elle se développa rapidement en tant que centre commercial majeur.
Leipzig : carrefour des routes européennes
Située à la croisée de grandes routes commerciales très anciennes, la Via Regis et la Via Imperii, Leipzig bénéficiait d'une position géographique privilégiée, qui faisait de cette ville un lieu de passage obligé pour les marchands.
- La Via Regis parcourait les Alpes, traversait des vallées verdoyantes et des forêts denses, pour finalement rejoindre les plaines du nord de l'Europe, faisant ainsi le lien entre la Méditerranée et la mer du Nord
- La Via Imperii s'étendait sur près de 2 000 kilomètres, reliant Rome à la mer Baltique.
- Des routes commerciales locales venaient se greffer à ces deux axes, reliant Leipzig aux villes et villages environnants.
Carte de la Via Regis et de La Via Imperii
Cette image a été modifiée avec autorisation et provient de Maximilian Dörrbecher
Leipzig : un marché aux mille et une merveilles
La Foire médiévale de Leipzig regorgeait d'une multitude de produits. Entre autres, on pouvait y découvrir :
- Produits alimentaires : épices, vins, huiles, céréales, fruits secs ;
- Textiles : laine, lin, soie, coton ;
- Produits artisanaux : céramiques, métaux, cuirs, bois, livres et manuscrits ;
- Produits manufacturés : armes, armures, outils agricoles, objets de décoration ;
- Produits exotiques : épices rares, soies brodées, objets d’art.
La composition des marchandises pouvait varier d'une année à l'autre, en fonction des récoltes, des modes, et des relations commerciales avec d'autres régions.
Représentation de la foire médiévale de Leipzig
La foire de Leipzig : quand les élites se rencontrent
La Foire était également un lieu de rencontres et de négociations politiques. Les princes, les banquiers et les intellectuels s'y croisaient, créant un véritable bouillonnement d'idées et d'intrigues.
Au Moyen Âge, la présence d'un prince à une foire était une manière d'affirmer son prestige et de montrer sa puissance économique.
Les banquiers profitaient de ce lieu pour y régler des affaires, négocier des prêts et échanger des devises.
Les intellectuels, quant à eux, cherchaient à trouver des mécènes parmi les princes et les riches marchands présents à la foire.
La Foire de Leipzig présentait ainsi un lieu de rencontre privilégié pour les élites médiévales.
La présence des princes à la foire
L'apogée d'une tradition : l’empereur Maximilien Ier et la Foire de Leipzig
Le règne de l'empereur Maximilien Ier fut marqué par une période de croissance économique dans les États du Saint-Empire. En stimulant le commerce et en attirant les marchands étrangers, ce prince renforça la prospérité de son territoire et consolida son pouvoir[1].
Maximilien Ier accordait une grande importance aux foires et à celle de Leipzig en particulier. Il la considérait à la fois comme un moteur économique et un instrument politique. La Foire de Leipzig devint, sous le règne de Maximilien Ier, un lieu d'échanges prospère et une plaque tournante du commerce entre l'Europe de l'Est, l'Europe du Nord, et l'Europe de l'Ouest.
La Foire de Leipzig de 1895 à 1939 : une vitrine de l'industrie allemande
Leipzig maintint son modèle commercial traditionnel jusqu'à ce que l'ère industrielle bouleverse l’ordre économique. En 1895, la foire subit une transformation majeure qui marqua un tournant dans l'histoire des foires commerciales. Cette année-là, elle devint la première « foire des échantillons », se distinguant des foires traditionnelles par une approche innovante.
La Foire aux échantillons : une révolution commerciale
La foire des échantillons permettait aux commerçants de présenter et de négocier leurs produits en utilisant des échantillons plutôt que des stocks complets. Ce concept permettait aux acheteurs de se faire une idée précise de la qualité et de la variété des produits disponibles.
À l’exemple de Leipzig, Londres inaugura en 1915 sa première foire aux échantillons, ouvrant ainsi une nouvelle voie pour le commerce londonien. En 1916, ce fut au tour des villes de Lyon, Bordeaux, Lausanne et Francfort-sur-le-Main de suivre l'exemple de Leipzig en organisant leurs propres foires aux échantillons.
Ce modèle de foire contribua au développement des réseaux de distribution à une époque où la mondialisation commençait à prendre forme.
Leipzig : une vitrine de l'industrie européenne
Au début du XXe siècle, la Foire de Leipzig reflétait l'essor industriel que connaissait alors l'Europe entière. De nouveaux bâtiments furent construits, des infrastructures améliorées et des technologies de communication mises en place pour faciliter les échanges.
Les principaux secteurs représentés étaient :
- L'industrie du textile : les exposants présentaient les dernières nouveautés en matière de tissage, de teinture et de finitions.
- La mécanique et l’ingénierie : l'industrialisation croissante se traduisait par une demande grandissante en machines-outils, en équipements industriels et en matériels ferroviaires. Ce secteur était particulièrement dynamique.
- L'industrie chimique : présentait de nouvelles matières premières et de nouveaux produits, notamment dans les domaines de la pharmacie, de la photographie et des colorants.
- L'industrie agroalimentaire : les exposants présentaient des produits alimentaires transformés, des boissons et des équipements pour l'industrie alimentaire.
Le logo double M : signature d'une ère nouvelle
Le logo double M, présent sur tous les timbres-poste de la série, a été réalisé en 1917 par l’artiste de Leipzig Erich Gruner. Il est étroitement lié au succès renouvelé de la foire et au concept de foire des échantillons. Il a été conçu à partir des deux lettres « M » présentes dans le terme allemand Mustermesse « foire d’échantillons ».
La Foire de Leipzig sous le Troisième Reich (1939-1945) : un rouage de l'économie de guerre
Sous le régime nazi, la Foire de Leipzig perdit son caractère commercial pour devenir un rouage de l'économie de guerre. L'industrie allemande fut réorientée vers la production d'armements, et la Foire de Leipzig refléta cette évolution.
Les halles d'exposition furent transformés en ateliers de fabrication et les voies ferrées utilisées pour le transport de matériel militaire. Les entreprises qui participaient traditionnellement à la foire furent contraintes de produire des armes, des munitions, des uniformes, et d'autres équipements militaires.
Les produits exposés furent soumis à des quotas et les productions étaient planifiées en fonction des besoins de l'armée. Comme on peut s’y attendre, la foire fut purgée de toute présence juive dans ses espaces.
Représentation de la Foire de Leipzig sous le Troisième Reich
Le silence des halles de Leipzig
La guerre entraîna des pénuries de matières premières, de carburant et de main-d'œuvre. L'organisation d'une foire de grande envergure devenait pratiquement impossible. En se tournant vers l'effort de guerre, l’économie allemande laissait peu de place à des activités économiques civiles comme les foires.
La Foire cessa ses activités entre 1942 et 1944, en raison de la dégradation générale de la situation en Allemagne. La Seconde Guerre mondiale marqua ainsi la fin d'une époque pour cette foire millénaire.
Les timbres-poste de 1947
La foire de Leipzig renaît de ses cendres
Les premières foires après la guerre furent axées sur les produits de première nécessité et les matériaux de construction. En octobre 1945, la réouverture officielle de la Foire représentait la capacité de la zone d'occupation soviétique à se relever des ruines de la guerre.
Les émissions de timbres-poste de l’année 1947 sont particulièrement significatives, car elles célèbrent les moments clés du développement de la foire de Leipzig au cours du Moyen Âge. Ces moments clés soulignent le rôle de la foire de Leipzig en tant que centre de commerce au cœur de l'Europe.
Ces timbres-poste étaient une manière de rappeler aux commerçants, aux investisseurs et au grand public la vitalité historique de Leipzig en tant que plaque tournante du commerce international.
1160 : l'octroi du droit de marché à Leipzig
En 1165, le margrave Otto le Riche, par un acte fondateur, accorda à Leipzig le droit d'établir un marché permanent, transformant ainsi la ville en un lieu de commerce dynamique. Ce privilège, assorti d'une loi spéciale garantissant la paix du marché, marqua le début d'une longue tradition pour la ville de Leipzig.
Nous estimons que le timbre-poste comporte une erreur chronologique : l'autorisation de marché a été octroyée en 1165.
1268 : la protection des marchands étrangers (Schutz fremder Kaufleute)
En 1268, la Foire de Leipzig vit la mise en place de mesures spécifiques visant à protéger les marchands étrangers. Consciente de l'importance de ces commerçants pour son développement économique, la ville de Leipzig décida d'instaurer un cadre juridique solide, garantissant leur sécurité et leurs biens.
1365 : estimation et prélèvement de la taxe sur les étals (Schätzung u. Erhebung d. Budenzinses)
En 1365, la Foire de Leipzig avait mis en place un système pour estimer et prélever la taxe sur les étals. Des agents municipaux étaient chargés d'évaluer la valeur des marchandises exposées sur chaque étal. Cette évaluation servait de base au calcul de la taxe à acquitter avant de pouvoir commercer.
1497 : octroi du privilège de foire par l'empereur Maximilien Ier (Messeprivileg Maximilians I.)
En 1497, l'empereur Maximilien Ier accorda à la Foire de Leipzig un statut exceptionnel : elle fut placée sous la protection directe de l'empereur. Les marchands qui fréquentaient cette foire bénéficiaient désormais de garanties sécuritaires renforcées, d'un accès privilégié aux marchés et d'une plus grande liberté commerciale.
R. Simard
Références
[1] BOGDAN, Henry, Histoire de l’Allemagne de la Germanie à nos jours, 2003, Éditions Perrin, p. 150-153.
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