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Chroniques Timbres Poste est un blog culturel qui vous invite à explorer la richesse des émissions philatéliques et à vous immerger dans les récits captivants qu'elles révèlent.
Le timbre-poste du mois
Chaque mois, Chroniques Timbres Poste propose l'analyse d’un timbre issu du patrimoine postal.
Décembre 2025
Timbre de Noël autrichien : la Nativité de 1976 — histoire et analyse
Pour accompagner la période de l’Avent, la poste autrichienne avait émis le 26 novembre 1976 un superbe timbre-poste consacré à la Nativité :
Richement colorée, cette vignette s’inspire d’une peinture importante du patrimoine médiéval autrichien : La Naissance du Christ de la cathédrale de Gurk, réalisée en 1458 par le maître Konrad von Friesach :
Entre tradition médiévale et sensibilité moderne
L’illustration reprend avec finesse la mise en scène d’origine : au centre, Marie se tient en prière devant l’Enfant Jésus ; celui-ci, étendu dans une crèche, est le cœur lumineux de la composition. Le bœuf et l’âne, à proximité du nouveau-né, complètent la scène, leur présence évoquant la protection et la chaleur du foyer :
À gauche, Joseph est occupé à préparer un repas — un détail touchant qui met en valeur son rôle de père attentif, étonnamment moderne :
L’artiste a toutefois modernisé l’esthétique médiévale : les couleurs sont plus profondes, les drapés plus amples et les visages sont modelés avec délicatesse. Le vert de la robe de Marie, les flammes près de Joseph et la clarté enveloppant l’Enfant insufflent une chaleur nouvelle à la scène.
Un héritage médiéval toujours vivant
S’il rend hommage à l’art médiéval, ce timbre-poste présente également une résonance avec notre époque. Il invite à redécouvrir l’essentiel de la vie : le temps partagé en famille, la douceur d’un foyer et la chaleur de la présence humaine.
Entre tradition médiévale et sensibilité moderne
Cette émission offre un rappel sensible et intemporel de ce qui, depuis des siècles, donne sens à la fête de Noël : la lumière, la famille, l’attention aux autres et la beauté de la simplicité.
Novembre 2025
Saint Martin de Tours : 1600 ans de charité célébrés par La Poste
Lorsque revient le mois de novembre, la lumière décline et la nature s’apprête au repos. Les hommes se réunissent pour trouver, dans la chaleur et la clarté des foyers, un rempart contre la saison sombre. Au cœur de cette période se célèbre la fête de la Saint-Martin, le 11 novembre, en mémoire de saint Martin de Tours.
Le timbre-poste présenté ce ci-dessous a été émis par la France le 7 juillet 1997. Il commémore le 1600ᵉ anniversaire de la mort de saint Martin de Tours, une figure emblématique de la culture européenne :
L’illustration a été conçue par Jean-Paul Cousin et s’inspire de l'enluminure d'un manuscrit du XIVe siècle représentant le partage du manteau de saint Martin :
Saint Martin partageant son manteau, enluminure réalisée par Richard de Montbaston vers 1348.
Bibliothèque nationale de France, ms. Français 241, fol. 300v — Gallica.bnf.fr.
La gravure en taille-douce a été réalisée par Claude Jumelet, qui restitue avec justesse la richesse et l’éclat de l’enluminure médiévale.
La représentation évoque le plus célèbre épisode de la vie de saint Martin de Tours, dont voici le récit.
Le partage du manteau de saint Martin
Martin (Martinus) naquit vers 316 en Pannonie, une province de l’Empire romain (actuelle Hongrie). Enfant, il grandit à Pavie (Ticinum), dans la Gaule cisalpine, où son père exerçait la charge de tribun militaire.
Élevé dans l’ombre des camps et des enseignes romaines, Martin grandit au rythme de la discipline et du fer. À quinze ans, il dut revêtir la tunique du soldat, obéissant à la loi de l’Empire qui voulait que les fils suivent le destin de leurs pères.
Un jour d’hiver, comme il passait sous une des portes d’Amiens, il rencontra un pauvre qui était tout nu. Aussitôt, coupant en deux, avec son épée, le manteau dont il était recouvert, il en donna à ce pauvre une des deux moitiés. Et, la nuit suivante, il vit le Christ lui-même vêtu de cette moitié de manteau ; et il entendit que Notre-Seigneur disait aux anges qui l’entouraient : “ Ce manteau, Martin me l’a donné quand il n’était encore que catéchumène ! ”[1]
Peu après, Martin reçut le baptême, quitta l’armée et devint évêque de Tours. Il y fonda le monastère de Marmoutier, un des plus anciens d’Occident.
Sur le timbre, on voit Martin monté sur son cheval, vêtu d’un manteau bleu et d’une tunique rouge. Son visage est auréolé de lumière — signe de sa sainteté. Il tient dans sa main droite une épée dont il se sert pour partager son manteau :
Le mendiant, à demi nu, se tient à ses côtés et le regarde avec gratitude. Sa nudité souligne son extrême détresse, alors que le froid s’installe pour plusieurs mois :
Les motifs géométriques rouges et dorés en arrière-plan évoquent les riches enluminures des manuscrits du Moyen Âge. Cette ornementation confère à la scène une dimension à la fois spirituelle et patrimoniale.
Cette composition résume à elle seule le message universel de la légende de saint Martin : le vrai courage ne réside pas dans la guerre, mais dans la compassion.
L’héritage universel de saint Martin de Tours
Vénéré comme protecteur des rois, des pauvres et des soldats, saint Martin de Tours incarne l’idéal chrétien de charité tel qu’on le concevait au Moyen Âge.
Il demeure toujours une figure majeure du patrimoine français : plus de 500 communes en France portent son nom. Selon la tradition, le roi Clovis serait venu prier sur sa tombe avant de se convertir au christianisme.
L'influence de saint Matin a aussi dépassé les frontières de la France : saint patron de la Hongrie, son culte s’est diffusé dans toute l’Europe occidentale, faisant de lui l’une des figures spirituelles les plus unificatrices du continent.
Les derniers beaux jours de l'automne
L’été de la Saint-Martin désigne une période de beau temps survenant chaque année autour du 11 novembre. Selon la tradition, ce redoux était perçu comme une bénédiction, rappelant le geste de Martin partageant son manteau.
L’expression est restée dans le langage courant pour désigner les derniers beaux jours de l’automne, avant l’arrivée de l’hiver.
En Amérique du Nord, une période similaire est connue sous le nom d’été des Indiens.
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À travers le timbre-poste Saint Martin de la Gaule à la France 397-1997, c’est tout un héritage culturel et spirituel que la poste française a célébré : celui d’un homme dont le geste a traversé les siècles pour incarner la chaleur de la générosité humaine.
R. Simard
[1] Jacques de Voragine, La Légende dorée (1261-1266), traduit du latin par Théodore de Wyzewa, Paris, Perrin et Cie, 1910, p. 618-627. Texte disponible sur Wikisource.